L'autre jour, en regardant s'écrouler le cours de la Livre sur Yahoo finance, je me suis demandé si le fait de perdre plus de 25% de son salaire en équivalent Euros en 6 mois allait produire une émigration massive des Français et autres étrangers. Jusqu'alors, travailler à Londres dans un vrai job sur plusieurs années évoquait des images un peu caricaturales de succès financier sans limites à nos compatriotes basés à Paris. Les moins biens informés nous pensent tous traders multimillionnaires ou en passe de le devenir, les mieux informés savent que les salaires sont plus élevés de ce côté de la Manche peu importe le secteur, oubliant plus ou moins consciemment que le coût de la vie dévore bien souvent l'essentiel de ce surplus relatif de revenu.
Mais les temps changent : Jusque-là les avantages des années Londres étaient plus que clairs, au moins pour les juniors fraîchement arrivés. Marché du travail généreux et ouvert, moins regardant sur les diplômes, moins exigeant sur les expériences, habitué à la diversité ethnique ou autre, un vent de fraîcheur en comparaison des annonces à la française de type : "Offre stage Chef de Produit grande marque cosmétique, 3 ans de stage autre grande entreprise cosmétique exigés, flexibilité sur formation d'origine (HEC, ESSEC ou ESCP), Russe/Chinois exigés débutants bienvenus... Nombreux avantages : Cantine et 50% de carte de transport remboursés".
L'ambiance fêtard et multiculturelle s'ajoutant à ce marché du travail faisaient passer la pilule du logement tiers-mondiste et hors de prix, les transports un peu pourris et les autres joies procurés par le coût de la vie à Londres et ses hivers déprimants.
La Peste Noire n'est pas encore de retour sur l'île mais il y a un petit changement d'ambiance. Un signe, les agences de recrutement se font plus discrètes, moins d'emails et coups de fil non sollicités pour proposer des postes. Les boys de la Finance sont pris d'accès de modestie, on ne parle plus de primes mais de licenciements ou de craintes pour son job avec ceux qui bossent dans le secteur. Les derniers débarqués ont l'air d'avoir plus de difficultés à trouver "le" job ou même un job tout court. Les plus expérimentés s'en sortent sans aucun ou sans trop de dégâts mais se demandent comme tout le monde de quoi 2009 sera fait.
Alors, en dehors de circonstances strictement personnelles, pourquoi rester à Londres ou même pourquoi venir ?
Je n'ai pas de données ou d'expertise définitives sur le sujet mais même si la Grande-Bretagne souffre plus que la France pendant la crise (à cause de sa dépendance du secteur financier), cela risque d'être un peu pareil partout de toutes manières, ce sera beaucoup plus dur de trouver un job mais toujours plus facile qu'en France ou les stages et la structure du marché du travail font que les juniors et sans expériences sont fortement pénalisés dans la recherche d'emploi.
Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, le sévère ralentissement d'activité dans l'immobilier devrait tirer vers le bas prix du logement et peut être les loyers (un nombre conséquent d'investisseurs mettant en location leur bien en attendant une remontée du marché pour revendre. Ceci étant dit, que ce soit sur l'évolution des prix du logement ou celles des loyers, on peut lire tout et son contraire sur le sujet). Le coût de la vie est lui aussi affecté "positivement", le ralentissement tirant l'inflation vers le bas. Pour quelqu'un déjà en poste et dans la mesure où ça ne s'éternise pas, c'est même plutôt bénéfique à court terme.
Enfin, par expérience personnelle, si le marché du travail et les opportunités de progression et de salaires ont été les principaux critères de mon installation et du fait que je sois toujours là trois ans plus tard, il y a quelques autres bonnes choses à prendre ici. Le management à l'anglo-saxonne, on n'aime ou pas et beaucoup de choses dépendront de la boîte pour laquelle on travaille mais l'ambiance de travail à l'anglaise reste toujours plus cool, moins formel, moins hiérarchisé que de l'autre côté de la Manche. L'avenir ne semble pas entièrement conditionné par votre parcours estudiantin et les 6 mois qui le suivent. On use et abuse de métaphores médicales en parlant de scléroses ou de paralysie du marché du travail français ou même de la société française, je ne partage pas ce pessimisme, mais s'il y a une différence que j'ai notée entre le monde du travail anglais et le français, c'est cette obsession et ce goût français du rang et des honneurs/avantages qui vont avec. Paradoxalement entre une société qui se veut encore un peu aristocratique et une autre qui se veut égalitariste et méritocratique depuis 1789, c'est la première qui semble mieux laisser sa chance aux individus, bien que très imparfaitement. Il y a bien des choses que je laisserai sans regrets derrière moi le jour où je partirai mais je ramènerai au moins ça de mon séjour anglais.
mardi 30 décembre 2008
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