mercredi 12 novembre 2008

Un Barack Obama "British" est-il possible ?

Tout comme dans la presse française, une des colonnes obligatoires au Royaume-Uni depuis l'élection de Barack Obama à la Présidence américaine a été "A quand un Barack Obama British ?".
Ce qui est très intriguant dans cette interrogation, ce sont les présupposés de la question et parfois des articles l'accompagnant, qui sous-entendent que le simple fait d'avoir un 1er Ministre ou Président noir serait une marque de progrès alors que le progrès semblait justement venir du fait que Barack Obama était élu pour ses qualités d'homme, son caractère et ses idées et pas "grâce" ou "à cause" de sa couleur de peau, ou juste parce que certains électeurs cherchaient à soutenir un candidat qu'ils identifiaient comme un membre de leur communauté, les évolutions démographiques leur donnant tout à coup l'avantage. La force de Barack Obama a plutôt été d'aller au-delà d'un vote communautariste en reconnaissant évidemment les problématiques purement raciales existant aux US tout en insistant sur la nécessité de les dépasser, aidé en cela par ses origines et expériences multiples (voir son discours sur ce sujet). Ce qui peut sembler presque "évident" si vous avez une vision humaniste du monde, mais l'est rarement surtout dans un pays aussi marqué dans son histoire par la traite des Noirs et le racisme institutionnalisé.




Ceci étant dit, ce qui a été plus amusant à lire dans les différents articles sur le sujet, plus que les caricaturales questions du type "Est-ce que les Anglais sont trop racistes pour élire un Noir ?", ça a été finalement les interrogations sur le système politique et sa capacité à intégrer ou pas un "outsider" au sens le plus large du terme, quelqu'un qui ne cadre pas dans le système politique et les partis que ce soit par sa couleur de peau, ses origines sociales, sa religion etc. L'article du Guardian sur le sujet montre bien qu'en fait, mises à part des données obejctives comme l'histoire de l'immigration au UK et la part des minorités ethniques dans la population, c'est bien le système politique qui ralentit l'apparition de candidats "du dehors" (du système) plus qu'un racisme plus ou moins dissimulé. Là où aux Etats-Unis un jeune Sénateur relativement peu expérimenté mais charismatique peut par une campagne bien menée pendant les Primaires se faire d'abord remarquer et ensuite prendre la tête de son parti pour les élections présidentielles et donc être évidemment immédiatement en position d'accéder à la plus haute responsabilité politique du pays, au Royaume-Uni, une fois élu au Parlement, il faut patienter, imposer son autorité parfois en accédant à différentes fonctions ministérielles et ensuite seulement après avoir pris les contrôles du parti, se retrouver en position d'accéder au poste de 1er Ministre. Ce qui favorise le candidat standard dans lequel paradoxalement les parlementaires parfois plus que les électeurs vont se reconnaître !

Pour faire le parallèle avec le système politique français, c'est finalement un problème assez similaire puisque tous les hommes politiques ayant réussi à parvenir à la Présidence ces 30 dernières années ont d'abord passé beaucoup de temps et d'effort à faire la conquête d'un appareil politique et une fois leur emprise sur cet appareil sécurisé, ont pu s'attaquer à la conquête du pouvoir lui-même (Mitterrand avec le PS, Chirac qui a fait du RPR une machine à gagner les élections entièrement à son service, Sarkozy qui récupère l'ex-RPR rebaptisé entre-temps UMP etc).

Bref sans tomber dans l'angélisme en disant qu'il n'y a aucun problème de racisme en France ou au UK, le problème est finalement le conservatisme du système lui-même qui favorise des gens tous sortis du même moule et ayant des parcours similaires, non seulement en écrasante majorité blancs, mais venant de milieux sociaux aisés et très souvent haut-fonctionnaires ou avocats de profession. A chaque pays son aristocratie...

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